Pınar Selek
APPEL À SOUTENIR LA SOCIOLOGUE TURQUE PINAR SELEK


Par Etienne Copeaux

Persécutée par le pouvoir depuis 1998, la sociologue turque Pınar Selek encourt une peine de 36 années de prison. Elle est un exemple du courage des démocrates turcs face à la pression du militarisme, de la censure, de la coercition qui s’exerce sur la société turque.
Née en 1971, elle a fait ses études au lycée Notre-Dame de Sion à Istanbul, puis à l’université Mimar Sinan. Sa première recherche, qui portait sur le mouvement indigène de Mexico, a été publiée en 1996. Mais Pınar Selek s’est surtout intéressée à la sociologie d’Istanbul, particulièrement aux populations marginalisées comme les enfants des rues et les travestis, puis au problème de la violence en Turquie. En été 1996, Istanbul doit accueillir la conférence de l’ONU « Habitat II » ; le centre de la ville est alors « nettoyé » et Pınar ne se contente pas d’étudier les marginaux, elle prend leur défense et crée pour eux un centre d’accueil, l’Atelier des Artistes de Rue, ouvert à tous. Cette expérience fait l’objet de sa thèse de doctorat, La rue Ülker, un espace de marginalisation, publiée en 2001.
En plein centre d’Istanbul, l’Atelier est un lieu de refuge, d’écoute, de création artistique, de socialisation. On s’y exprime aussi sur la violence, sur la guerre qui fait rage dans le sud-est du pays, sur le sexisme et le machisme. Pınar décrit son atelier somme « un jardin d’amour construit avec de la boue, une source de vie dans le désert ». C’est intolérable au pouvoir qui, quelle que soit la coalition gouvernante, est soumis à l’armée. À l’époque, toute initiative un peu marginale, anti-militariste, non-conforme, est suspecte de viser à miner l’apparence de consensus imposé par le pouvoir, et l’outil répressif le plus commode est l’accusation de complicité  avec le mouvement « terroriste » kurde du PKK.
Le prétexte à la répression survient le 9 juillet 1998. Ce jour-là, sept personnes sont tuées et 127 blessées par une explosion survenue dans le fameux Marché égyptien d’Istanbul. On crie à l’attentat terroriste, la police procède à un coup de filet, bien que, dès le lendemain, les rapports d’enquête établissent qu’il s’agissait d’une explosion de gaz accidentelle. Le 11 juillet, Pınar Selek est appréhendée en raison de ses « activités suspectes ».
Le 19 août, à l’occasion d’une « reconstitution du crime » sur les lieux de l’explosion – où une foule manipulée réclame le lynchage des « suspects » - le portrait de Pınar Selek apparaît dans la presse et à la télévision : d’autres suspects, sous la torture, l’ont désignée comme l’âme du complot. Elle encourt la peine de mort. Incarcérée pendant deux ans et demi, elle subit la torture. Entre-temps s’ouvre son procès, au cours duquel (décembre 2000) les experts apportent la preuve de la nature accidentelle de l’explosion. Pınar est remise en liberté. Elle déclare  aux journalistes qui l’accueillent : « Je n’ai pas perdu mon temps, j’ai appris à lire et à écrire à mes compagnes prisonnières, tandis qu’elles m’ont enseigné la langue kurde ».
 
Le procès dure cinq ans, et le 28 décembre 2005, la détention à perpétuité est requise à l’encontre de Pınar et de cinq autres accusés, malgré l’absence de preuves. Pourtant, grâce à un large soutien en Turquie et à l’étranger,  le procès se conclut le 8 juin 2006 par leur acquittement.
Depuis sa libération en 2000, Pınar s’était lancée dans d’autres travaux de recherche, s’impliquant contre le militarisme et la violence.  En 2001, elle fonde un mouvement féministe, Amargi, crée une revue en 2006 et ouvre la première librairie féministe d’Istanbul en 2008. Elle publie plusieurs ouvrages dont Nous n’avons pas pu nous réconcilier, sur les luttes pour la paix en Turquie (2004) ; et Une vie de chien : l
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Mahkeme Süreci Court Process