www.lepetitjournal.com-23/01/2013
Une nouvelle audience attend Pınar Selek, demain à Istanbul. Accusée d’avoir fomenté un attentat au Bazar égyptien en juillet 1998, la sociologue turque a été acquittée à trois reprises, faute de preuves. Fin 2012, c’est le coup de théâtre : la Cour qui l'avait acquittée revient sur sa décision. Ses avocats plaident l'illégalité de la procédure et demandent le dessaisissement de la Cour. Le verdict qui aurait pu la condamner à perpétuité n'a donc pas été prononcé et l'audience a été reportée au 24 janvier.
Le procès approche à grands pas et Pınar Selek se sent fatiguée. "Je tâche de ne pas trop y penser, parce que ça devient une véritable torture pour moi. Je dois quand même tout faire pour gagner ce procès. Pour moi, mais pas seulement. Car cette affaire est devenue une lutte plus générale pour la liberté d’expression en Turquie. Je dois donc continuer à me battre et à résister", explique-t-elle au petitjournal.com d’Istanbul.
Pınar Selek (photo personnelle) ignore à quoi s'attendre mais elle ne rêve que d’une chose : rentrer chez elle. Non pas qu’elle n’aime pas la France : elle se sentirait plus utile dans son pays. "Mon rêve de tous les jours est de rentrer en Turquie. Tous mes amours sont là-bas et j’adore Istanbul. Quand je suis arrivée en Allemagne grâce à une bourse du programme "écrivains en exil", je ne pensais pas rester aussi longtemps. J’ai vécu deux ans à Berlin et je vis à Strasbourg depuis un an."
Pınar Selek vit cette affaire comme un "acharnement judiciaire et politique" depuis plus de 14 ans. "C’est un scandale juridique, ce n’est pas légal ce qu’ils ont fait", répète-t-elle.
Mobilisation internationale
Dans son combat, Pınar Selek n’est pas seule. A Strasbourg, où elle a trouvé refuge, la sociologue peut compter sur le soutien de ses confrères, de la municipalité, de l’université et de nombreux syndicats, partis politiques et associations. "D’un côté suis très fatiguée, mais de l’autre je me sens bien car il y a une grande mobilisation de solidarité autour de moi."
C’est à plus de 2.000 kilomètres que Pınar Selek suivra son procès demain. Mais ils seront nombreux à la représenter et la soutenir à Istanbul. Une délégation française d’une quarantaine de personnes sera sur place. Le maire PS de Strasbourg, Roland Ries, ainsi que le président de l’Université, Alain Beretz, ont déjà exprimé leur soutien à la sociologue et envoient des représentants à l'audience. Aux côtés de ces délégués seront également présents des représentants d’Europe Ecologie Les Verts, du Front de Gauche, de la CGT, du Syndicat national de l’enseignement supérieur et d’associations comme France Liberté ou la Fondation Danielle Mitterrand. "La pression publique est la seule chose qui nous reste pour éviter que ce procès ne soit un nouveau massacre" lance Pınar Selek, qui compte sur cette mobilisation pour faire pencher la balance en sa faveur.
C’est en tout cas son dernier recours. "On sait très bien que c’est un procès politique, alors il faut que la lutte soit elle aussi politique", dit-elle. Le soutien politique, la sociologue l’a également trouvé du côté du Parlement européen. Une semaine jour pour jour avant cette audience, plusieurs députés européens les ont rencontrés, elle et son avocat, pour leur manifester leur solidarité.
Le verdict devrait être connu demain en milieu de journée. Si Pınar Selek est reconnue coupable, elle pourra toujours se tourner vers la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Un recours a déjà été déposé il y a deux ans mais la procédure n’étant pas terminée en Turquie, le dossier reste en suspens. "La lutte juridique va continuer" promet Pınar Selek.
Margaux Agnès (http://www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 23 janvier 2013